Après le gros souci italien, arrive celui de l’Espagne

Un nouvel épisode électoral espagnol va intervenir cette fin de semaine, mais il ne va pas changer la donne. D’après les sondages, il n’en sortira à nouveau qu’un gouvernement minoritaire, dont les rennes reviendront au PSOE s’il arrive bien en tête, tout en connaissant un léger recul.

L’équation gouvernementale semble destinée à rester sans solution, avec cependant une malencontreuse nouveauté. L’extrême-droite représentée par Vox est annoncée connaître une forte progression et être la gagnante de la consultation en raison de sa démagogie qui fait mouche. Le parti populaire (PP) progressant, Ciudadanos en ferait les frais et Podemos continuerait de se tasser. Ces deux dernières formations ne parviendraient plus à concrétiser le besoin de changement qu’elles avaient su chevaucher.

L’exhumation de la dépouille de Franco par le gouvernement socialiste a suscité une levée de bouclier qui a mobilisé au-delà de la vieille garde franquiste, montrant combien le passé était encore vivace dans les mémoires espagnoles, ce dont le romancier Javier Cercas rend talentueusement compte. Le rebondissement de la crise catalane en réponse à la condamnation des indépendantistes à de longues peines de prison a fait le reste. L’Espagne est imprégnée par ses vieux démons, un repli d’autant plus fort que l’avenir n’est pas tout tracé.

Le gouvernement espagnol a déjà été sommé par la Commission de réduire ses dépenses budgétaires de 6,6 milliards d’euros pour rester dans les clous, et le moment fatidique de l’examen de son projet de budget de l’année prochaine approche. Le déficit budgétaire dépasse 2% du PIB, en dépit de la croissance de l’économie, et le montant de la dette globale s’approche de 100% du PIB. L’Espagne est hors des normes budgétaires européennes et les politiques préconisées par le PSOE et le PP divergent. Le premier se prévaut de nouvelles recettes fiscales résultant de la taxation des grandes entreprises et de l’économie numérique, le second d’une réduction massive de 16 milliards d’euros des impôts. Dans les deux cas, l’injonction de la Commission resterait sans réponse. De fait, les autorités espagnoles ont perdu leur maitrise budgétaire discrétionnaire faute de marge de manœuvre.

Le PSOE a augmenté de 22% le salaire minimum cette année et voudrait continuer, mais va-t-il en trouver les moyens, minoritaire au Parlement et face à la Commission ? De fait, l’Espagne a besoin d’une politique fortement redistributive en raison du fort développement des inégalités. Les ministres des Finances et de l’Économie sortants, Maria Jesús Montero et Nadia Calviño, font valoir pour la justifier que la pression fiscale est en Espagne très nettement inférieure à la moyenne des pays de la zone euro (35% du PIB contre 42%). Pablo Casado, le leader du PP, ne l’entend pas ainsi et prétend que le pays est « en compétition à propos du travail, de la formation, des taxes et des règles » et que « un accroissement des impôts ralentira encore [l’économie] ». Le contexte est en effet marqué par celle-ci, restreignant encore plus les marges de manœuvre à venir. Il est attendu une baisse de la croissance l’année prochaine, qui devrait s’établir de 1,7 à 1,8% contre 2% de prévu cette année.

Mais le contexte ne se limite pas à cela. Au plan social, plus d’un quart des salariés est sous contrat de travail temporaire, la plus forte proportion en Europe, témoignant de la fragilité de l’emploi. Et, au point de vue budgétaire, il va falloir compter avec la venue d’une masse de nouveaux retraités dont les pensions vont devoir être financées.

Cherchant une solution au blocage politique, les commentaires vont bon train dans la presse espagnole à propos de la constitution d’une grande coalition qui regrouperait le PSOE et le PP. Mais ils font l’impasse sur la définition de sa politique et sur le fossé qui sépare les deux partis lorsqu’est abordé le sujet de la conduite de l’économie. L’issue bancale d’un gouvernement socialiste minoritaire allant pêcher des voix au gré des circonstances a de meilleures chances de s’imposer.

L’Italie n’est pas la seule grande inconnue de l’Union européenne.

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